Le double discours ne naît pas par hasard. Il est souvent le reflet d’un conflit intérieur, c’est-à-dire d’une tension entre deux désirs, deux besoins, ou deux valeurs qui semblent s’opposer. Nous avons vu dans un article précédent que le double discours est une façon de s’exprimer qui mêle deux intentions opposées, dans une même phrase ou un même échange. Cela crée une confusion émotionnelle chez celui qui le reçoit. « Le double discours en Gestalt-Thérapie » et dans un autre qui aborde déjà le conflit intérieur.
Un double discours naît souvent quand deux réalités coexistent en nous :
- une envie consciente (par exemple : “je veux être proche de toi”)
- et une peur ou une résistance inconsciente (“si je m’ouvre trop, je risque d’être blessé”).
Le conflit intérieur manifeste aussi l’opposition de deux parties :
- Le soi authentique : ce que je ressens, pense et veux vraiment.
- Le soi social : l’image que je veux donner, ce que je crois acceptable ou stratégique.
Le langage verbal exprime généralement la partie consciente, socialement acceptable. Le corps, lui, exprime la partie inconsciente : un recul léger, les bras croisés, un regard fuyant, une tension musculaire.
Exemple :
Quelqu’un dit
« Je suis ravi pour ta promotion »(mot sincère) mais a les lèvres serrées et évite le regard (émotion de jalousie ou tristesse).
La personne vit à la fois la joie pour l’autre et la douleur pour elle-même — conflit émotionnel pur.

D’où vient le conflit intérieur à l’origine du double discours ?
Le conflit intérieur est souvent lié à :
- Des expériences passées ont laissé des traces émotionnelles. Elles ont créé un mécanisme de protection : cacher ses émotions pour éviter un conflit ou se protéger d’un jugement.
- Un apprentissage ancien : on nous a appris à « sourire et rester poli » même dans l’inconfort. On a reçu des injonctions contradictoires dans l’enfance (“sois toi-même” mais “ne fais pas de vagues, ne te fais pas remarquer !”).
- Des valeurs qui s’opposent comme vouloir réussir professionnellement mais craindre que cela soit au détriment de sa vie personnelle. Il y a une contradiction intérieure : vouloir dire ce qu’on pense… tout en craignant les conséquences.
Le conflit intérieur peut parfois nous pousser à camoufler une partie de la vérité pour éviter un risque. Le risque d’être rejeté-e, jugé-e, critiqué-e.
Exemple :
Un adolescent dit
« Non mais c’est pas grave que vous partiez en vacances sans moi »(paroles accommodantes) tout en détournant le regard et croisant les bras (langage corporel de fermeture, tristesse et colère mêlées).
Les effets sont visibles quand le corps contredit les mots.
Dans le double discours, le conflit intérieur se manifeste quand :
- Le ton et les mots ne disent pas la même chose.
- Les gestes ou la posture semblent “hors sujet” par rapport au discours.
- Les micro-expressions faciales révèlent brièvement une émotion contraire au message verbal.
Il nous est à tous-toutes arrivé, un jour ou l’autre, d’exprimer verbalement quelque chose… en même temps que notre corps exprime tout autre chose. C’est ce décalage, parfois subtil, parfois flagrant, qu’on appelle double discours.
Dans le langage verbal, il se repère dans les contradictions entre ce qui est dit et ce qui est pensé. Mais dans le langage non verbal, il prend une dimension encore plus parlante… Car le corps, dans sa spontanéité, ne ment pas. Certes, les mots prennent le parti de l’adaptation, mais le corps défend l’authenticité.
Ce décalage est visible pour qui sait observer.
Il y a trois aspects dans la communication : le langage verbal, le langage paraverbal et le langage non verbal.
Le site Mieux-être et Psychologie nous en dit plus…

Les mots disent « oui » alors que le corps dit « non »
Un sourire forcé, une main qui se crispe, des épaules qui se contractent… autant de signaux qui révèlent une tension entre le message officiel et la vérité intérieure.
Par exemple :
- « Je vais très bien », dit avec une voix tremblante et des yeux fuyants.
- « Bien sûr que ça me fait plaisir », alors que les bras restent croisés et le buste reculé.
- « Je ne suis pas en colère », murmuré avec la mâchoire serrée et le souffle court.
Qui est concerné ?
Absolument tout le monde… mais à des moments différents de la vie :
- Les enfants qui disent « d’accord » à leurs parents, mais tapent du pied ou détournent le regard.
- Les adolescents qui répondent « c’est pas grave » tout en claquant la porte.
- Les adultes qui affirment « aucun souci » au travail, mais dont le corps reste raide et fermé.
- Les thérapeutes eux-mêmes, qui peuvent dire « je vous écoute » tout en laissant paraître de la fatigue ou de la distance.
Pourquoi c’est important de reconnaître ce double discours ?
Le double discours corporel est une invitation à écouter les deux voix : celle des mots et celle du corps.
En thérapie, en famille, au travail, apprendre à percevoir ces signaux permet :
- d’éviter les malentendus,
- de mieux comprendre les besoins réels,
- d’améliorer la communication et d’aller vers une communication authentique.
- et de restaurer la cohérence entre ce que l’on dit et ce que l’on ressent.
Ce que cela dit de nous
Le double discours n’est pas forcément un signe de duplicité ou de malhonnêteté. Au-delà du conflit intérieur, il peut traduire un moment de transition intérieure : on n’a pas encore trouvé comment aligner ce qu’on ressent, ce qu’on pense et ce qu’on exprime.
Dans l’accompagnement psycho-corporel, repérer ces décalages ouvre la porte à un travail profond. Cela permet d’identifier les besoins réels, et de pacifier le conflit intérieur.
Comment réagir face à un double discours corporel ?
Plutôt que de confronter brutalement (« tu dis oui mais ton corps dit non »), il est souvent plus doux et efficace de mettre en lumière le ressenti :
- « J’entends tes mots… et en même temps je perçois une tension dans ta voix. »
- « Je te vois sourire, mais je sens que quelque chose pèse. »
Cette approche ouvre un espace de dialogue et de vérité, sans jugement, si l’on exprime ce ressenti avec diplomatie et bienveillance.
Que faire en Gestalt-thérapie avec le double discours ?
Il faut d’abord dire que repérer ce décalage est précieux. Mais il ne s’agit pas de « démasquer » la personne, et de pointer ses incohérences. La mise en lumière de ce double discours verbal vs corporel a pour but de l’aider à prendre conscience du/des conflit(s) intérieur(s). Cette prise de conscience est puissante et vertigineuse. C’est aussi potentiellement le début d’une nouvelle phase du processus de transformation. La Gestalt est une thérapie du changement et pourrait conduire la personne à réunifier parole et ressenti, dans une conscience grandie. C’est ce processus qui nous permet de retrouver une communication unifiée et cohérente, et nous amène vers plus de congruence.
Conclusion
Le corps est un messager précieux. En effet, le langage non-verbal représente la partie principale de la communication. Si les mots peuvent être façonnés, le corps, lui, révèle notre état intérieur. Observer les deux, c’est se donner la chance de mieux se comprendre… et de se rapprocher de sa vérité.

